Il s’appelait Jacques et nous nous connaissions depuis une quarantaine d’années. C’était un ami, une de ces personnes qui vous marque et qui vous suit, sans jamais rien demander, au contraire toujours prêt à vous aider, c’était un véritable ami et sans vouloir me vanter, je crois que pour lui il en était de même. Chacun sait combien le nombre de vrais amis est plutôt restreint, même si pour ma part j’ai un peu de chance, car me j’en ai plusieurs et là aussi certain nous ont quitté, il y a déjà quelques années, mais les autres sont toujours présent et je sais pouvoir compter sur eux en cas de besoin, comme ils peuvent compter sur moi.
Nous avions fait connaissance dans le début des années 1980, moi j’étais en train de créer ma deuxième entreprise, j’avais vingt ans et son épouse venait de nous contacter pour des travaux photographiques, mais c’est lui qui est venu les chercher et nous avons immédiatement eu un coup de cœur intellectuel. Il avait un humour permanent et une intelligence pratique, issu probablement de à son activité professionnelle, il était un spécialiste du bâtiment, mi-architecte, mi-conducteur de travaux, mais toujours inventeur de technologie alternative, trouvant pour chaque problème une solution conventionnelle ou non, et je crois que c’est justement ça qui nous a rapprochés, la débrouillardise. Il avait eu une enfance bizarre, trimballée entre Paris et New York, passant de façon presque instantanée du Français à l’Anglais, sans jamais vouloir se vanter, mais simplement par ce qu’il avait dû faire avec ses déplacements, à plusieurs reprises, avec ses parents qui avaient des difficultés de choisir leurs terres d’adoption, il avait dû faire comme il pouvait, entre des écoles française et Américaine et un combat intérieur entre ces deux cultures. Chaque année après l’impression de mon ouvrage, Le Livre des Vœux, j’attendais son verdict, il n’hésitait pas me donner son avis, toujours avec bienveillance et même s’il y mettait toujours de l’humour, il le faisait avec sérieux. Même si nous avions des divergences, elles n’étaient jamais graves, car notre amitié était bien plus forte que ça.
Voilà aujourd’hui Jacques nous a quittés, Jacques m’a quitté, et je suis triste de cette perte, car il était mon ami et aujourd’hui j’ai un peu l’impression que je vieilli bien trop vite à chacune de mes pertes.
La suite 2 dans les prochains jours.
Philippe Sallanche 2020